Retour sur le prix René Fontaine de Maisons Paysannes de France 2021


Notre département a été à l'honneur en 2021 puisqu'un de nos adhérents, Monsieur Alain ROUX, a été un des lauréats du prix René Fontaine dans la catégorie "Bâti ancien et savoir faire ".





La restauration de sa maison située à Savignac les Eglises a duré plus de vingt ans et Mr ROUX a eu la gentillesse de nous faire un compte rendu de ces 2 décennies de travaux; vous trouverez ci dessous la première partie :


« L’important n’est pas de savoir mais d’apprendre vite »



C’est la conclusion à laquelle est arrivé, au bout de 20 ans, Alain Roux après avoir sauvé des ruines un ensemble de bâtiments paysans situés en Dordogne.

En effet c’est en apprenant, pour réaliser de ses propres mains, qu’il lui a été possible, avec beaucoup de temps et une détermination sans faille, d’aboutir à la restauration respectueuse du passé qu’il nous présente aujourd’hui tout en restant dans des limites financières raisonnables.

C’est début 2000 qu’il « tombe » par hasard, dans un petit hameau typique et paisible du Périgord blanc, sur un ensemble paysan à l’abandon et complètement en ruine. Les bâtiments envahis par la végétation sont totalement délabrés, les toitures sont éventrées et certains murs commencent à s’affaisser. Mais l’endroit a du charme, un charme indéfinissable qui ne laisse pas indifférent et attire irrésistiblement.

Sous les ronces, les sureaux et trois immenses tilleuls touffus on distingue une grande bâtisse à toit périgourdin accolée à une petite maison paysanne flanquée d’un fournil, d’une remise, d’une grange et d’une porcherie.





Cette attirance ajoutée à la curiosité le poussera à s’enquérir auprès du voisinage pour savoir pourquoi et depuis quand ces constructions sont à l’abandon ; et c’est ainsi que de fil en aiguille il remontera jusqu’aux deux propriétaires qui détiennent chacun une partie de cet ensemble indissociable.

Durant prés d’une année les contacts et négociations seront nombreux et réguliers pour convaincre des propriétaires non vendeurs à l’origine et pour arriver enfin à la signature des actes de vente.

Et c’est là que commence « l’histoire »; celle de « l’étranger » du hameau, « le fou du village » comme ils disent… qui a décidé de restaurer une masure irréparable. Un doux rêveur en quelque sorte … ! Qui arrivera cependant, au bout de 20 ans, à concrétiser son projet.


Etape 1 : La Découverte de l’état des lieux.

C’est fin novembre 2000, avec les actes notariés en poche, que le nouveau propriétaire va enfin pouvoir faire un état des lieux détaillé et mesurer l’ampleur de la tache à accomplir.

C’est sous les ronces, les sureaux, le lierre et les herbes folles qu’il découvre gravas, tuiles cassées, poutres effondrées, amas de foin abandonnés, vieux matelas et mobiliers.

Tout est à l’abandon depuis prés de 10 ans et la nature ayant horreur du vide, a très vite repris ses droits et envahi non seulement le terrain de 1000m2 situé devant les bâtiments mais aussi l’ensemble des 8000m2 qui se trouvent à l’arrière.

 




Avant de pouvoir pénétrer à l’intérieur ou même de pouvoir se faire une idée précise de l’ensemble immobilier que représentent tous ces bâtiments il faudra nettoyer et débroussailler à tous va. Et c’est ainsi que plus de 7 mois, de février à août 2001, seront nécessaires pour élaguer, tailler, débroussailler, tondre, bruler et finalement remettre dans un état acceptable les extérieurs pour enfin approcher et évaluer de façon objective le bâti ou du moins ce qu’il en reste.


A compter de septembre 2001 une première investigation précise sera faite afin de bien mesurer l’amplitude de la restauration mais aussi sa faisabilité structurelle. De même il sera ainsi possible de se projeter pour imaginer les modifications intérieures à réaliser pour rendre une bâtisse de la fin du 15ème siècle habitable et dotée du confort minimum que l’on est en droit d’attendre aujourd’hui.

La liste des découvertes insolites et tragiques mais aussi positives ou typiques sera longue et les raisons de s’étonner voire de se décourager seront nombreuses.

1-1) A l’approche de la « maison de maitre » on découvre au premier, une ancienne galerie couverte totalement effondrée avec, parmi les gravats, un ancien évier en pierre, cassé en plusieurs parties. Les colonnettes supportant le toit ont disparu et l’on remarque, non pas un, mais deux escaliers extérieurs permettant d’accéder à ce « bolet » disparu.

La date « 1861 » portée par l’un d’entre eux nous permettra de comprendre les raisons de la coexistence de ces deux escaliers monumentaux.

En effet au fil du temps et des successions la « maison de maître » a été divisée en deux ; ce qui nous est confirmé par le fait que le mur de séparation intérieur voit sa porte de communication murée et que la galerie est coupée en deux, justement par la prolongation à l’extérieur de ce mur de séparation.

De fait il n’était plus possible d’accéder à une partie de l’étage d’où l’obligation de créer un deuxième escalier beaucoup plus récent que la bâtisse initiale.

 




1-2) En pénétrant à l’intérieur une surprise de taille attendait le visiteur….. plus de plancher et seulement une cinquantaine d’étais de maçon supportant des madriers eux même soutenant les restes des poutres pourries de l’étage ainsi que celles de la charpente dans un état de délabrement avancé. La couverture constituée de multiples types de tuiles (plate, canal, mécanique) présentait d’énormes parties béantes à ciel ouvert, et pour finir sur l’ensemble du pourtour des murs subsistait plusieurs rangées de « lauzes » vestige de la couverture originelle.

Au fil de la visite les choses se corsaient car il fut constaté que le mur de façade avant penchait dangereusement (prés de 20 cm entre le haut et le bas) et qu’une cheminée monumentale avait été démontée laissant le haut du conduit béant mais surtout en surplomb très instable.

Décidément ce premier constat était inquiétant et pas suffisamment contrebalancé par le seul point positif à savoir une 2ème belle cheminée du 16ème , quelques poutres en chêne « sauvables » et les restes, au rez de chaussée, de 2 crèches flanquées de leur mangeoire en pierre.


1-3) En suivant, l’investigation se poursuivait dans le petit bâtiment qui jouxte la « maison de maître »; un local à priori édifié en même temps que l’escalier daté 1861 et représentant l’habitation de la ferme attenante.

Au rez de chaussée on y trouvait une seule pièce servant de cuisine et équipé d’une cheminée campagnarde très rustique surmontée d’un linteau en chêne très attaqué par la chaleur des flammes qui depuis longtemps avait servi à mijoter soupes et ragouts dans les grands chaudrons de nos grand mères.

La pièce était très sombre car très basse de plafond mais surtout du fait que la fumée en avait noirci le moindre recoin.

 Au fond une ancienne petite fenêtre avait été transformée en porte et donnait désormais sur un petit local servant de salle d’eau. Ce local vu de l’extérieur était un rajout en blocs de ciment de 2.5 x 2.5m surmonté de tôles d’ « éverite » pour la couverture ; une sorte de verrue se détachant sur la grande façade arrière de pierres décrépies.


 

Se trouvaient encore, dans cette pièce unique, un vieil escalier de bois aux marches effondrées et un curieux évier. En effet sur l’ancien évier en pierre usé et cassé avait été coulé un évier en ciment lui-même surmonté ensuite par un évier blanc en faïence. De plus au dessus de l’évier une grande fenêtre carrée avait été créée et défigurait totalement la façade extérieure.

Au premier étage on trouvait 2 petites pièces basses servant de chambres dont les plafonds en lattis de bois s’effondraient.

Cette deuxième partie de bâtiment n’inspirait pas plus confiance et le moral du propriétaire n’était toujours pas au beau fixe.


1-4) La visite des lieux se poursuivait par un appentis reliant le bâtiment d’habitation à la grange. Ouvert sur la cour cet appendice était constitué d’un seul mur arrière percé d’une large porte charretière à double battants. Les murs de la grange et de la maison d’habitation formaient les deux cotés. A l’avant seuls un poteau bois et le mur qui le divisait en deux soutenaient une grande poutre servant de linteau à l’ensemble. Bien que composée de pièces de bois très fluettes la petite charpente «  tenait toujours le coup » sous le poids de vilaines tuiles mécaniques mises en place bien longtemps après sa création.


 



A l’intérieur comme partout, des vieux meubles abandonnés, des bouteilles, des matelas, des outils rouillés, de la ferraille, le tout pèle même…… mais aussi un petit joyau caché… un magnifique four à pain avec son conduit monumental en briquettes. Dans un très bon état de conservation, car abrité par une couverture correcte, il était cependant esthétiquement quelque peu défiguré par l’installation, au sol devant sa partie droite, d’une « chaudière » avec son immense chaudron pour cuire la « baccade » des cochons. Cette installation avait entrainé la création d’un conduit de fumée reliant la chaudière à la cheminée du four. Un bricolage dévastateur mais pas irréversible …ouf …enfin une petite satisfaction.


1-5) Il était maintenant temps d’inspecter la grange, et là encore le degré de délabrement était insoupçonnable……La façade donnant sur la cour présentait une porte charretière à moitié effondrée et l’angle du pignon arrière lui aussi menaçait de se disloquer. La charpente à ciel ouvert avait été renforcée à l’aide de pièces de bois disparates, qui rongées par la pluie, risquaient à tout moment de céder.

A l’intérieur, la partie découverte était envahie par les sureaux tandis que de l’autre coté, mieux protégé, subsistait encore quatre crèches surmontées d’un grenier rempli de foin réduit à l’état de pourriture par des décennies de stockage. Au sol subsistait encore le fumier des vaches totalement asséché par le temps et formant une épaisse couche.


 


C’est dans cet environnement apocalyptique que le propriétaire découvrit, derrière les crèches et parmi de vieux séchoirs à noix disloqués, un amas de cartons éventrés remplis de bocaux, de bouteilles et de flacons divers et variés.

C’est beaucoup plus tard qu’il s’avéra que cette collection insolite recelait quelques pièces intéressantes : des flacons inédits, des bouteilles anciennes gravées et 7 magnifiques bouteilles d’eau de seltz bleues ou jaunes. Piètre consolation pour compenser l’ampleur du nettoyage a effectuer.

Enfin jouxtant la grange, se trouvait une petite construction basse faisant office de porcherie ; totalement dans son jus, recouverte au sol par de larges dalles de pierre. Les « vieux » du hameau apprirent au propriétaire qu’elle était encore récemment utilisée par les chasseurs pour y enfermer des marcassins qu’ils leur arrivaient de capturer.

 





Pour finir « le tour du propriétaire » et pour la petite histoire, lors de cet « inventaire à la Prévert » fut découvert à l’arrière de la grange, dans un amas de ronces qui montaient jusqu’au toit, ce que Francis CABREL appelait sa « cabane au fond du jardin ». Vous avez bien compris, les anciens « cabinets » comme on disait dans le temps, avaient résisté malgré les intempéries, ils étaient toujours là debout en bonnes planches avec leur porte battante. Témoins d’un autre temps, et soulignant le fossé existant entre cette vielle bâtisse et notre mode de vie d’aujourd’hui, ils mettaient en lumière de façon encore plus criante, l’ampleur de la tâche qui attendait le propriétaire pour restaurer cet ensemble immobilier.


Etape 2 : La Décision de restaurer

En cette fin d’année 2001 et après ces multiples constations, il fallait se rendre à l’évidence l’ampleur de la restauration prenait des proportions insoupçonnées et l’avis de professionnels aguerris à ce type de travaux devait être envisagé avant toute décision.

En effet le propriétaire avait immédiatement constaté que plus qu’une restauration, il s’agissait presque d’une reconstruction ; notamment pour les murs de façade, les charpentes et couvertures. Il craignait particulièrement qu’après avoir démonté les vieilles charpentes totalement rongées par les eaux de pluies, les murs de pierres bâtis à l’argile ne s’effondrent.

C’est donc en compagnie de son charpentier Bernard DUBA compagnon du devoir que fut effectuée une première visite détaillée des charpentes ou du moins de ce qu’il en restait. Investigation pour apprécier la solidité des murs support et leur capacité à résister après le démontage des poutres traversantes qui malgré leur délitement avancé contribuaient malgré tout à un certain équerrage de l’ensemble.

Ce professionnel qui comme ont dit « en avait vu d’autres » assura au propriétaire, quelque peu incrédule, que les murs résisteraient et qu’on « pouvait y aller ». Et il faut bien reconnaître que son jugement fit fortement pencher la balance en faveur de la décision finale d’envisager la restauration.

Seule réserve de sa part : réaliser avant toute intervention la consolidation, depuis le rez de chaussée, du conduit de cheminée en pierre laissé en surplomb après qu’une des cheminées monumentales ait été démontée.

Quelque peu rassuré le propriétaire passa l’hiver à déblayer les gravas intérieurs, à évacuer vieux meubles, vieux bois, foins et ferrailles, bouteilles et vieux outils, le tout abandonné depuis plus de 10 ans.

 





Il profita aussi de cette mauvaise saison pour consulter son maçon qui confirma l’avis du charpentier et pour rencontrer plusieurs « spécialistes » afin de l’aider à dater les divers bâtiments et à orienter sa façon de restaurer sans défigurer. Et c’est ainsi que successivement l’architecte du CAUE fut visité, le président de l’association « Maisons paysannes de France » en la personne de Mr CORNET fut reçu sur place, et la Fondation du Patrimoine fut contactée. Chacun en ce qui le concerne apporta ses précieux conseils, contribuant ainsi à mieux appréhender les futures phases de réalisation tant administratives que techniques.

Une étape précieuse consista également à collecter dans le hameau et ses environs un maximum d’informations verbales ou documentaires sur l’historique des bâtiments et sur leur aspect initial ou au moins antérieur à la très grande dégradation des dernières décennies.

Finalement au mois de mars 2002, alors que les premiers beaux jours se profilaient et qu’un climat plus propice aux projets et à l’optimisme pointait son nez, la grande décision de se lancer dans ce projet un peu fou fut prise avec une promesse : toujours regarder devant et ne jamais renoncer.

Etape 3 : Plans, autorisations et plannings de travaux

Etape 4 : Le nettoyage et la récupération des matériaux réutilisables

Etape 5 : Les 1ers travaux et l’apprentissage

Etape 6 : Charpentes et Maçonneries

Etape 7 : -------------------------------------

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Etc.


Voilà, fin de la 1ère "saison", la suite dans notre prochain article ... en attendant, pour celles et ceux qui seraient inspirés par ce type de projet, nous vous invitons à nous contacter pour monter un dossier auprès de Maisons Paysannes de France.

Je joins un lien vers le flyer de lancement du concours 2022, et un lien vers la page du site national 

enfin, pour terminer, nous vous informons que l'Assemblée Générale de MP24 se tiendra à Savignac les Eglises le 21 Mai prochain ... réservez cette date, nous vous donnerons plus d'informations début Mai.

A bientôt



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